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Rencontre avec Elisabeth Poquet
Ouverture d'esprit et force de conviction au service de la science et de l'action publique.
Ingénieur-chimiste à sa sortie de l’ENSCP de Bordeaux en 1956 (major de promotion), docteur en Physicochimie Structurale (1960), docteur ès Sciences Physiques (1963), Elisabeth Poquet, après un début de carrière au CNRS à Bordeaux, vit son chemin professionnel s’orienter vers Pau au début des années 1960, où son mari, Bernard, côtoyé sur les bancs de la faculté, avait commencé de son côté une brillante carrière à SNPA (Société nationale des pétroles d’Aquitaine, qui devint Elf Aquitaine, puis Total).
Les parcours respectifs des deux époux s’enrichirent alors l’un de l’autre. De 1960 à 1998, enseignant-chercheur, actuellement professeur honoraire des universités, Elisabeth POQUET eut la préoccupation constante d’ouvrir l’Université de Pau et des Pays de L’Adour sur le monde de l’entreprise, dans lequel le résultat des recherches fondamentales trouve à s’appliquer. Son mari, pour sa part, convainquit les dirigeants de sa société de consacrer du temps et des moyens aux recherches académiques. Ces beaux parcours professionnels croisés et partagés ont été retracés dans un article mis en ligne par la communauté de communes de Lacq-Orthez auquel il est possible d’accéder par ce lien.
Toujours soucieuse de servir la collectivité, E. Poquet fut doyen de la faculté des sciences de 1976 à 1979, directeur du service commun de la formation continue de l’Université de 1989 à 1993, puis vice-présidente, chargée du partenariat de 1993 jusqu’en 1998, année de sa retraite.
Ouverte à tous les grands sujets de la vie publique, elle s’est engagée aussi comme conseillère municipale de Pau en 1989 et y accomplit trois mandats. Elle fut également conseillère à la communauté d’agglomération de Pau.
François Bayrou, ministre d’État chargée de l’Education nationale, lui remit sa médaille de chevalier de la Légion d’Honneur en 1996, notant alors : « Ce qui frappe chez elle c’est une intelligence lumineuse et une extraordinaire volonté. Il ne fait pas bon d’être un obstacle sur la route qu’elle a choisi de défricher. Durant les années où nous avons siégé ensemble au conseil municipal de Pau, j’avais pu observer également son sens très élevé de la démocratie et de l’intérêt général. »
Cette Légion d’honneur, précisément, a un fort prix aux yeux d’Elisabeth POQUET. Pour elle, la place des femmes dans l’Ordre de la Légion d’honneur doit progresser significativement. C’est pourquoi elle soutint activement Martine POTIN-GAUTIER, une de ses anciennes élèves devenue chercheuse universitaire chimiste, membre de la section Béarn-Soule, qui avait proposé d’organiser une rencontre autour de la présentation du film d’Eric DELBOS « Les femmes et la Légion d’honneur » et de l’exposition prêtée sur ce thème par le Musée de la Légion d’honneur. La rencontre eut lieu en novembre 2022 dans l’auditorium d’Hélioparc et Elisabeth POQUET s’y déplaça pour prendre part aux échanges.
Pour quiconque entend Elisabeth POQUET évoquer sa carrière, les terminologies officielles s’habillent de lumière, de passion, de générosité, d’ouverture d’esprit permanente et de curiosité intellectuelle sans limites. Il découvre une femme engagée, convaincue et ressent combien le couple uni qu’elle a formé avec son mari a enrichi leur parcours commun et rayonné vers leurs proches et leurs relations amicales et professionnelles. En toile de fond, il y a une vie de mère, avec le soutien constant et l’affection de ses filles et de sa famille.
« Je crois que l’amour pour les autres a été le fil conducteur de ma vie ». « Le travail en équipe est essentiel, tout comme l’humilité devant la matière » sont des phrases que l’on retient. Aussi : « Transmettre un savoir m’a passionnée et j’ai toujours essayé de le rendre le plus concret possible ». Dans son discours de remise de la Légion d’honneur, notons cette mise en garde à ses pairs universitaires sur le risque de l’enfermement dans son propre monde, car « c’est vrai, l’entropie d’un système isolé ne peut que croître mais on peut faire échec à son inéluctable évolution vers le désordre et la mort en ouvrant le système ».
La grande qualité humaine, la justesse et la profondeur de ses réflexions sur la vie, sur le monde et son évolution impressionnent tous ceux qui la côtoient. Les 88 ans d’Elisabeth POQUET ne l’empêchent pas de toujours bien juger les événements du monde, de continuer à s’intéresser à la littérature, aux arts, à l’avenir de l’Université, à rester en contact avec d’anciennes élèves et collègues. Elle s’intéresse aussi à la vie de son quartier, dont les noms de rue portent ceux de musiciens français, se demandant s’ils sont bien connus et pourquoi pas partager sur eux le cadre d’un concert de quartier.
Cette grande dame élégante et lumineuse fait bien sûr le bonheur de ses petits-enfants, dont elle se demande parfois comment ils peuvent la percevoir : « Vous comprenez, j’ai vécu l’occupation, les bombardements, les privations et les tickets de rationnement. Pour eux c’est de l’histoire, pour moi c’est du vécu ». Mais elle sait leur faire comprendre, ainsi qu’à d’autres jeunes, combien transmettre un savoir est important et l’a toujours passionnée et pour ce faire « j’ai toujours essayé de le rendre le plus concret possible ». Elle n’oublie pas non plus sa longue passion pour l’équitation « une école de modestie et de remise en question ».
Aujourd’hui, Elisabeth POQUET privilégie toujours la science et le savoir et se concentre sur des activités plus intérieures : toujours la lecture, une passion héritée de son père, qui avait constitué une magnifique bibliothèque de 6000 ouvrages, toujours la musique, avec une prédilection pour les œuvres de Bach et les préludes et fugues du Clavecin bien tempéré qu’elle continue de lire et jouer, la contemplation de la beauté de la nature dans son jardin ou dans la maison familiale des Landes, où elle est toujours très heureuse de revoir le sable et les sinuosités magiques des eaux de mer pénétrant dans le pays de Contis.
Merci, chère Elisabeth, pour votre bel exemple et pour votre fidélité à la section.
Claudine Renou-Fages